Je m’appelle Tsumahashi Saya et j’ai 18 ans. Je suis la dernière descendante du clan original Tsumahashi. Mon clan a volé en éclat après plusieurs trahisons et ce, malgré une  défense héroïque de mon père pour défendre notre maison. Il a malheureusement été abattu par cet abject Fujitaka Gomori, un chien du clan du Daimyō de Bizen et est maintenant considéré comme un traître. Ma mère, n’ayant aucune once d’honneur, a préféré accepter le mariage forcé avec le clan Fujitaka, scellant ainsi l’annihilation de notre clan plutôt que d’affronter une mort honorable. Je le refuse.

Je suis maintenant en fuite depuis plusieurs années, errante en direction de l’ouest pour m’éloigner du conflit. Après ce que j’ai fait à Fujitaka Gomori, il est probable qu’il m’en veuille à mort et qu’il me recherche, mais heureusement, il reste quelques sympathisants du clan Tsumahashi dispersés dans la région pour m’aider à me cacher de lui. 

Après avoir vécu dans la nature, et de façon peu honorable, je l’avoue, j’ai croisé une sorte de recruteur pour un groupe armé se dirigeant vers l’Est, et la région de mon enfance. J’ai entendu dire que parmi eux se trouvaient de puissants samurais et hommes d’armes. Peut-être que certains seraient capables de m’aider à accomplir ma vengeance ?

Ce ne fut pas très compliqué de se faire accepter dans la troupe, même en tant que femme. Plusieurs rōnin faisaient déjà partis de la troupe, et je n’ai qu’à exécuter quelques courbettes protocolaires pour avoir le droit de les rejoindre. D’après ce que j’ai compris, nous marchons en direction d’un fort tenu par le clan Mōri et assiégé par le clan Hashiba, ces alliés des Fujitaka. Le hasard fait bien les choses, plus que de l’aide pour accomplir ma vengeance, je pourrais peut-être espérer trouver des alliés. Il faut que j’essaye d’en profiter. Si je reste avec la caste des rōnin, je ne me ferai jamais remarquer. L’armure de mon père, que j’ai entretenu comme je l’ai pu au cours de ces trois dernières années à parcourir le pays m’aidera sûrement à me démarquer de ces hommes dont l’honneur vacille autant que leur bourse après une soirée dans une taverne.

Ce soir, c’est le moment. Cela fait maintenant deux semaines que j’ai rejoint la troupe. J’ai appris que parmi les clans représentés il y en avait deux qui étaient dirigés par des enfants. Ils seront sûrement moins réfractaires à l’idée qu’une jeune femme puisse rejoindre le groupe armé des samurai à leur service que ces vieux schnocks habituels… Donc ce soir, je tente ma chance. Portant l’armure de mon père aux armes du clan Tsumahashi, je me présente donc devant les tentes du clan Sato. J’ai entendu dire que parmi les deux enfants, celui du clan Sanataki était plutôt colérique, et celui du clan Sato (étonnamment, une fille) était plutôt sage pour son jeune âge. C’est ce qui a décidé mon choix. 

Après avoir déclaré mes intentions, on me dirige jusqu’à la tente d’un lieutenant du clan Sato, un certain Samato, qui m’accueille à l’intérieur. Le temps de me remémorer tout l’art de l’étiquette du clan Tsumahashi et je présente mes ambitions de rejoindre le service du clan Sato. Le kumi-gashira Samato a l’air très impressionné, et il me demande de le suivre jusqu’à la tente du la princesse Sato. Je ne m’attendais pas autant d’attention aussi vite, mais c’est une opportunité que je ne dois pas manquer. Je fais donc la connaissance de Sato Aya, en charge du clan Sato. Il n’y a plus de place dans la tente, aussi désigne-t-elle un certain Koeshu et lui demande de s’éclipser pour me laisser la place. Je me sens un peu mal d’être la cause de cet impair. Cette réunion me permet d’en apprendre un peu plus sur les actions prévues dans les prochaines semaines ainsi que la mission véritable attribuée au clan Sato. Nous devrons défendre la route secondaire de l’Ouest en tant que groupe secondaire en nous installant dans un shiro, un château fortifié, pendant que le groupe principal mené par Amano Lemoro, notre nouveau Daimyō ira tenter de casser le siège infligé à Takamatsu. Je raconte de nouveau l’histoire tragique de mon clan, sans pour autant mentionner le passage concernant Fujitaka Gomori, et explique que je connais bien la région de Bizen, dans laquelle nous nous rendons. Apparemment, tout cela plaît à Sato Aya-hime et j’accède donc à son service en tant que onna-bugeisha, une femme combattante.

Le reste du voyage se passe mieux pour moi. Je n’ai plus à supporter les blagues graveleuses de ces porcs de rōnin. Ils ne se lavent pas, même quand ils campent à côté d’un cours d’eau, et leurs dents sont tellement noirs qu’on les dirait teintées façon Ohaguro. Mais là où le ohaguro représente un certain standing, il n’y a ici que de la crasse nauséabonde. Je fais connaissance de trois samurai qui m’invitent à leur table : Sayamoto-san, Kusai-san et Shuyeba-san. Ils sont aussi au service du clan Sato, et se montrent tout de suite amicaux. Cela va me changer des premières semaines que j’ai passé avec les ashigaru et autres. Les jours passent, et une sorte de routine s’installe. Il me semble avoir remarqué que le jeune Sanataki Juzō-sama est moins colérique quand il est en présence de Sato-hime. Il paraît même perdre un peu ses moyens… On dit qu’ils seraient promis l’un à l’autre, malgré leur très jeune âge. Prendrait-il tout cela avec l’outil de la passion ? J’ai cru voir qu’il suivait des cours de calligraphie avec le vieux Saburō-san, ainsi qu’un autre professeur. Fait-il cela pour impressionner Sato-hime ? En tout cas, cela ne peut que faire du bien à son contrôle de soi.

Nous ne sommes plus qu’à une semaine de marche du premier poste de garde avant le shiro. Je me souviens bien de ce poste de garde. J’ai eu l’occasion d’y aller plusieurs fois en accompagnant mon père. J’avais l’habitude de me cacher dans le puit, qui donnait sur une petite rivière souterraine débouchant un peu plus bas dans la vallée. Ce n’est plus aujourd’hui qu’un poste abandonné, les conflits entre les clans Hashiba et Mōri s’étant délocalisés plus au nord de la région. Le chemin est pris dans la forêt, et nous avançons sans trop de difficulté.

Soudain, un son strident passe au-dessus de nous. Je reconnais immédiatement le son d’une flèche sifflante. Je récupère et installe aussitôt un Taketaba, grand bouclier planté au sol, et m’abrite derrière. Ce fut salutaire, puisqu’une pluie de flèches provenant de la gauche s’abat dans les secondes qui suivent sur toute la troupe. Le kumi-gashira Samato-san fait alors résonner sa voix et il réorganise les troupes pour empêcher celles-ci de se mettre à couvert dans le sous-bois sur la droite. C’était en effet là que nous attendait une partie de nos adversaires, camouflés dans les buissons. Nous sommes pris entre deux feux. J’ai cru voir partir la dénommée Koatsu seule et sans arme en direction des archers. Soit elle est courageuse, soit complètement téméraire. Mais elle a l’air de savoir ce qu’elle fait. Armée de mon yumi, je décoche quelques flèches bien placées quand je repère Sato-hime, son yojimbo Katakiyo-san et le vieil homme qu’elle veut toujours à ses côtés, Saburō-san, aux prises avec trois brigands. Mon sang ne fait qu’un tour et je me précipite pour aller défendre celle qui représente mon avenir. Une flèche dans la cuisse de l’un deux, une estocade de Katakiyo-san, et le vieux Saburō-san n’a même pas besoin de dégainer son katana. Le troisième s’enfuit, mais Katakiyo-san l’exécute avec un lancer de lance en bambou très impressionnant. Je remarque que les flèches ont cessé de pleuvoir. Apparemment, Koatsu-dono n’a pas fait dans la dentelles. Je pense avoir trouvé ici de bons alliés. Si je pouvais me faire bien voir d’eux, cela pourrait m’être très utile pour la suite.

Samato-san termine alors de réorganiser la troupe. Nous avons perdu environ 10% de nos effectifs, mais cela reste tout de même conséquent et notre mission est maintenue. Des rumeurs apparaissent tout de même, comme quoi deux des trois seigneurs de clans avec nous auraient été blessés, Tsumada Daizo-sama, et Sanataki Juzō-sama, mais que leurs vies ne seraient toutefois pas en dangers. Je l’ignore encore, mais Tsumada-sama a en fait été poignardé par un shinobi infiltré, et il est mortellement blessé. Il ne devrait pas survivre plus de quelques jours. Une information obtenue par Koatsu-dono. Katakiyo-san a réussi à faire prisonnier l’homme que j’ai blessé à la cuisse. Il pourra peut-être nous apporter des informations sur les commanditaires de l’attaque.

Nous arrivons enfin en vue du poste de garde protégeant le shiro. Après avoir monté le camp pour la nuit, Koatsu-dono vient me voir en personne. C’est trop d’honneur. Apparemment, des espions du clan Sato auraient révélé qu’une force hostile aurait pris possession du poste avant notre arrivée, et qu’ils seraient environ une dizaine. Koatsu-dono voudrait savoir si je connais un moyen détourné pour envoyer quelques hommes reprendre le poste et ainsi éviter plusieurs morts inutiles dans nos rangs. Je partage son opinion et lui transmets mes connaissances au sujet de la rivière souterraine où j’allais jouer étant petite. Il ne lui en faut pas plus pour imaginer un plan d’infiltration, qu’elle partage alors avec son seigneur, Sanataki Juzō-sama. Lorsqu’elle revient me voir, elle est accompagnée d’un samurai au service du clan Tsumada et nous filons discrètement vers l’entrée du souterrain, guidés uniquement par mes souvenirs d’enfance.

Pendant ce temps, une délégation un peu bizarre vient se présenter au camp. Ils disent venir de la part du seigneur Okusaisan.