« Sous le regard des cerisiers »

Koatsu est la première à se lever. Avertie par un message, elle se rend immédiatement en haut du rempart est de la citadelle. Là-bas, elle constate qu’une troupe s’est installée au pied de l’édifice et qu’elle arbore fièrement le mon du clan Sanataki. Juzô, l’héritier du clan qu’elle a elle-même éduqué vient de poser les bases de ce qui constitue une véritable déclaration de guerre.

Inquiète de voir la situation dégénérer, Koatsu Ayame embobine les gardes qui ont reçu l’ordre de fermer les portes et se rend à l’extérieur des murs pour obtenir des précisions.

Juzô semble ravi de la voir et lui explique sans détour qu’il vient réclamer la tête de Nobukaze Osamu, son beau-frère, qui a osé se présenter ici même en affirmant son soutien à Sato Sadao alors que juzô, héritier légitime du clan et responsable de la parole de son père, compte bien apporter l’appui du clan à Ishirô.

Il pose ses revendications dans un document écrit et envoie Koatsu le porter à Sadao.

Pendant ce temps au château, les choses tournent au vinaigre. Le retour d’Ishirô a ravivé les élans de révolte dans le clan des mécontents. Bon nombres voudraient voir Ishirô reprendre le contrôle du clan. Déjà, des oppositions sérieuses ont vu le jour.

Mais le retour de Saburo au palais porte la tension à son comble. En effet, le vieux maître a profité de la nuit pour retrouver ses anciens disciples et, entouré d’une dizaine d’entre eux, il rejoint la pièce dans laquelle tous les notables invités prennent le premier repas de la journée… Dont Zenzuke, l’usurpateur. Scandalisé par la présence du vieil homme, il se lève et hurle protestations et menaces.

Tout le monde s’invective jusqu’à ce qu’Ishirô lève la voix pour rappeler à tous ces notables comment il convient de se comporter en présence de leur seigneur et maître.

Aya, gardant le silence, a remarqué que ce genre de débordement n’avait jamais lieu du temps de son père et elle en déduit rapidement que Sadao n’est en rien respecté ni par ses vassaux ni par ses financiers. Elle même lui coupe la parole et donne à sa place les ordres qui s’imposent tout comme Ishirô qui assied un peu plus son autorité.

Alors que la situation tend à se tasser, Koatsu hime fait son entrée accompagnée de Fusakumi san, un samuraï impressionnant des troupes Sanataki. Ishirô se propose de lire la missive. Malheureusement pour lui, le contenu est lapidaire. Le jeune Sanataki Juzô affirme apporter son soutien inconditionnel à Ishirô pour la reprise de fief, il menace Saburo, le qualifiant de meurtrier, et exige la tête de son beau-frère Nobukaze. Bref, un silence pesant s’installe à nouveau.

Le jeune insolent n’a qu’une centaine de samuraïs avec lui. Le reste de sa troupe n’est composé que de jeunes ashigerus probablement recrutés et équipés à grand frais et dans l’urgence pour impressionner le clan Sato. Cependant, l’insulte est grave alors que tout affrontement maintenant serait un désastre.

Nobukaze, avalant péniblement sa pâtisserie au miel, se propose d’équiper à ses frais les cinquante ronins capturés la veille et dont Ishirô vient de réclamer une nouvelle fois la libération. Sadao, ravi de voir ces nouvelles troupes rejoindre ses rangs sans que cela ne lui coûte quoi que ce soit, s’empresse de stipuler son refus à Sanataki Juzô.

Yuritsuma Hime, intendante du palais, s’entretient à l’écart avec Ishirô. Elle lui parle d’un document dont on la tient éloignée et dont Minakô avait connaissance. Ce document concerne Ishirô et la tenue du fief et beaucoup de personnes sont intéressées par ce qu’il pourrait contenir. Ishirô prend note de l’information et prend congé.

Zenzuke a obtenu le droit d’affronter Saburo et ses disciples à l’intérieur de la ville. Sans plus attendre, il se rend avec une douzaine de fidèles au pied de la citadelle pour y attendre son ennemi.

Saburo le fait attendre quelque peu, préférant se restaurer et profiter des cancans de la cour avant ce qui pourrait être son dernier combat. Quand il arrive, Aya est déjà sur place avec une escorte de vingt soldats et Koatsu hime. Aya a donné discrètement l’ordre à ses hommes de protéger Saburo coûte que coûte si l’affrontement devait tourner au désastre. Il n’est pas question pour elle de perdre un vieux fou si précieux.

Après l’échange habituel de menaces et de déclarations prestigieuses, les deux écoles sortent les armes et tentent de se placer de façon à obtenir un avantage décisif sur ceux d’en face. Le tête à tête est interminable. Finalement Saburo lance l’assaut, immédiatement suivi par tous les belligérants. L’affrontement est d’une exceptionnelle violence. Tous les participants sont des combattants chevronnés et aucun ne porte d’armure.

Le face à face ne dure qu’une dizaine de secondes. Zenzuke, bien que vigoureux et compétent, ne peut tenir tête à l’expérience calme et résignée de Saburo. Le vieux maître le blesse à deux reprises, laissant la perte de sang troubler les sens de son adversaire et finit par lui ouvrir le ventre d’un rapide mouvement circulaire.

Autour de lui c’est le carnage. Six de ses disciples sont morts pour cinq des fidèles de Zenzuke. L’affrontement n’ira pas plus loin. Ishirô vient de donner l’ordre à tous les participants de baisser leur arme. Face à la défaite et la mort de leur maître, les hommes de Zenzuke se donnent la mort sur les lieux mêmes de l’affrontement.

Sans prendre le temps de trop s’émouvoir, Koatsu prend la route du campement de Sanataki Juzô mais cette fois, Sato Aya la suit. Elle est curieuse de rencontrer ce jeune garçon qui tient tant à soutenir l’héritage d’Ishirô. L’enfant est très au courant de la situation. Visiblement, ses espions grouillent dans le palais et dans les rues du fief. Il explique que Sadao est dans une position intenable depuis le retour d’Ishirô. Trop traditionaliste, son clan ne peut tolérer cette situation. Déjà, ceux qui sont mécontents de l’influence de Jôtarô, des christos, des financiers, des décisions militaires concernant les Okibo, préparent le retour d’Ishirô. Selon l’entourage du jeune garçon, Sadao va devoir précipiter la guerre contre le rebelle Tsumada Gumpei afin de se faire de son père, Tsumada Daizô, un allié.

Tant qu’il ne sera pas le plus fort, Sadao sera à genoux devant ceux dont il dépend. Une fois Ishirô marié à Tsumada Asashi et lui en posture de sauveur, il sera en mesure de reprendre les rênes du pouvoir. En attendant, il est à la merci de son entourage.

Aya obtient la promesse de Juzô que son clan ne fera aucun mal à Sadao et le laisse régler ses problèmes avec Koatsu. Il apprend de la bouche de sa tutrice que Sadao, grâce à Nobukaze, vient de recruter cinquante nouveaux samuraïs. Juzô fait savoir à ces derniers que s’ils le rejoignent, il leur offrira des terres et des mariages dignes de leur rang. La puissance politique et financière du clan Sanataki est proverbiale et chacun sait que la promesse n’est pas du vent. Koatsu et Aya retournent donc à l’intérieur des murs avec le courrier présentant l’offre de Juzô.

Les cinquante ronins reçoivent la nouvelle sans effusion de joie. Ils se sentent liés à Yuritsuma qui les a sortis de la misère et ne veulent surtout pas le placer dans une situation embarrassante. Le samuraï les rassure et les laisse libres de leur choix. Ce sera donc le clan Sanataki et les promesses de Juzô… Pour le plus grand désarroi de Nobukaze qui vient d’armer les troupes de son ennemi !

Aya entraine son frère sous le couvert des cerisiers chauves pour lui faire part de son entretien avec Sanataki Juzô. Elle fait le point avec lui sur la situation explosive dans laquelle ils se trouvent. Parmi les puissants, le retour d’Ishirô est une belle occasion de s’imposer. Sadao est réputé faible. Il est en position de demandeur face à ses créanciers et à ses vassaux. Beaucoup voudraient profiter de la situation pour lancer un coup d’état et redistribuer les cartes du pouvoir et de l’influence au sein du clan Sato. Ishirô reste ferme sur ses positions. Il ne réclamera pas le trône de son frère au moment où le daymio rassemble ses troupes pour soutenir les Môri au siège de Takamatsu.

Yuritsuma a rencontré sa femme, un peu plus tôt dans la journée pour faire le point. Il lui annonce que son fils s’est donné la mort. Cette dernière, déjà au courant, rejette la faute sur son mari. Le samuraï souhaite obtenir des précisions sur la mort d’Asao et sur le rôle qu’a joué sa femme dans l’intronisation de Sadao.

Elle explique que c’est Minako qui a tué Asao puisqu’elle était enceinte du seigneur Sato et qu’elle convoitait le trône pour son enfant. C’est un mensonge éhonté mais l’intendante tente tant bien que mal de brouiller les pistes. Yuritsuma est dubitatif mais choisit de lui pardonner leurs désaccords passés.

De retour dans la chambre qu’il occupe avec Ishirô, le yojimbo découvre son vieil ennemi, Kado san, en train de fouiller dans leurs affaires. Des menaces sont échangées puis Kado quitte les lieux. Malgré une fouille minutieuse, Yuritsuma ne trouve rien. Que faisait donc ce fourbe dans la chambre de son maître ?…

Le lendemain, Sato Aya rencontre son autre frère, Sato Sadao. Elle fait avec lui aussi le bilan de la situation et découvre que le jeune seigneur n’est pas aussi naïf qu’elle le pensait. Il est parfaitement conscient de la situation et de sa faiblesse et, comme l’avaient prophétisé les services de renseignement Sanataki, va renforcer sa position par la guerre en traquant le rebelle Tsumada Gumpei et en le livrant à son père Tsumada Daizô. Dans le même élan, il compte marier Ishirô à Tsumada Asashi, qui attend déjà son enfant, et ainsi lier les clans Sato et Tsumada par l’amitié, le sang et le mariage.

Une fois devenu le seigneur le plus puissant de la région, Sadao pourra imposer sa volonté à ses partenaires au lieu de s’incliner devant la leur. Reste le problème du jeune Sanataki qui demande la tête de Nobukaze pour lever le camp. Impossible de la lui donner pour le moment. Le soutien de la branche Sanataki représentés par Nobukaze Osamu (époux de Sanataki Tama, l’aînée des quinze sœurs Sanataki et de Juzô) lui est indispensable et, compte tenu du revers essuyé suite au départ des ex-ronins, ce n’est pas le moment de porter un nouveau coup à cette famille prestigieuse et ami du daymio.

Aya avance une requête. Elle souhaite que Saburo devienne samuraï et son yojimbo personnel. Sadao estime en effet que le vieil homme mérite cet honneur et propose de lui offrir en mariage leur tante.

Lors du conseil, la guerre est déclarée aux rebelles Tsumada pour la plus grande joie des guerriers qui oublient un temps leurs querelles, fédérés à l’idée d’une bonne charge de cavalerie sur des parias sans honneur.

Sadao choisit alors d’honorer Saburo en lui proposant de rentrer dans la famille par un mariage. Pourtant bien conscient de l’étiquette et du protocole, le vieil homme, très touché par l’issue de sa rencontre avec Zenzuke, refuse, portant un nouveau coup à l’autorité déjà chétive de Sadao. Le scandale est énorme mais les ordres de préparation sont rapidement donnés pour étouffer le malaise.

Koatsu utilise ses talents pour s’éclipser de la ville en toute discrétion. Elle rejoint le campement de Sanataki Juzô et prévient son seigneur et maître qu’une armée va quitter la ville sous peu pour fondre sur leur campement. Elle lui indique également l’objectif de cette troupe et où elle compte se rendre pour surprendre les forces de Tsumada Gumpei. Ensuite, elle regagne tout aussi furtivement l’enceinte de la ville.

Grâce à son action, quand les Sato quittent la ville quelques heures plus tard, ils ne trouvent qu’une étendue déserte. Tant mieux, dit-on dans des rangs. La meilleure des victoires et celle que l’on obtient sans combattre. Sadao est donc en route à la tête de trois cents samuraïs montés pour débusquer et massacrer une poignée de guerriers rebelles.

A la nuit tombée, ils sont en vue des lumières du retranchement des rebelles. Ordre est donné d’installer un campement pour attendre le jour. Kôjirô étant du voyage, Ishirô en profite pour mettre les choses au point avec celui qui l’a laissé tomber au pire moment quelques mois plus tôt et retourne dans la tente qu’il partage avec son yojimbo, sa sœur Aya et son yojimbo à elle. Leur repas est servi mais il est un peu spécial… En effet, Yuritsuma hime a empoisonné celui de son mari et placé des somnifères dans celui des autres à l’exception de la collation d’Aya qu’elle n’a pas touchée.

Attirée par les hurlements de douleur de Yuritsuma san, l’intendante entre dans la tente pour s’entretenir avec Aya. Elle lui explique que son mari, par son entêtement guerrier, a conduit leur fils unique au suicide et qu’Ishirô n’est pas le fils d’Asao mais celui de son yojimbo. Celui-là même qui est en train d’agoniser au sol. Elle conclue en lui disant que par son statut, Aya peut lancer les accusations et terminer la guerre de succession interne au clan Sato. Dans le cas où Aya choisirait au contraire de poursuivre dans cette voie de discorde et de mensonge, elle promet de se donner la mort pour ne pas assister à la destruction du clan.

Aussitôt l’intendante sortie, Aya fait venir Kôjirô qui entreprend de sauver Yuritsuma. Profitant de son état de faiblesse, Aya lui fait confirmer les dires de sa femme. Le soigneur sauve son patient qui reste très atteint au réveil. Mais il est bien moins en souffrance que ce malheureux Ishirô qui reçoit la colère de sa sœur à peine le soleil levé. Lui aussi avoue tout sans rien cacher. Il n’est pas un Sato.

Voyant son mari et Ishirô sortir de leur tante avec Aya, Yuritsuma himé comprend que son message n’est pas passé et qu’elle a échoué. Elle s’enfonce son tanto d’un coup sec dans la gorge et s’effondre devant les troupes rassemblées qui lui rendent un dernier hommage.

Avant la bataille, une rencontre a lieu. Tsumada Gumpei ne compte pas se rendre compte tenu de l’inattendu soutien les troupes Sanataki. En effet, Connaissant grâce à Koatsu le lieu de repli des rebelles, Juzô s’est précipité à leur rencontre. La marche forcée a fatigué les troupes mais la cinquantaine de paria a reçu le prompt renfort d’une centaine de samuraï et de presque quatre cents ashigerus.

Sanataki demande une nouvelle fois la tête de son beau-frère qui lui est à nouveau refusée. Koatsu est priée de rejoindre le camp d’en face. Il n’y a plus de relation diplomatique possible avec les Sanataki fidèles à Juzô. Gumpei rejoint ses troupes pour se préparer à lancer l’attaque. En partant, il précise quand même qu’il tient en otage sa sœur, Tsumada Asashi, promise à Ishirô et déjà grosse de trois mois…