« Des flocons sur la cendre »

C’est bien avant l’aube que Saburo et Kojiro se saluent pour la première fois de la journée. Le premier a le sommeil léger des personnes âgées, le second a beaucoup de médicaments à préparer pour les malades du château. Nene, une servante, leur a déjà préparé un pain de riz aux figues et au miel pour qu’ils puissent tous deux affronter le labeur qui les attend.

Saburo étire ensuite son vieux corps pendant des heures alors que Kojiro va vers sa remise, un peu à l’écart des habitations pour éviter la souillure de son métier aux autres occupants, afin de préparer des onguents.

C’est ensuite à Minako de prendre ses fonctions. En tant qu’intendante, elle se doit de veiller à ce que tout soit prêt dans le palais avant l’aube et le réveil du seigneur Sato Asao.

Yuristuma sort ensuite de l’alcôve qu’il occupe dans la chambre de Sato Ishiro, fils aîné de Sato Asao et héritier de fief. Son maître est en sécurité et le yojimbo peut donc s’assurer que tout est prêt pour les audiences de la matinée.

Enfin, avec le soleil froid de l’hiver, Sato Ishiro s’éveille et s’habille pour présider aux discussions dans la salle de réception. En bas tout est déjà installé et les premières doléances sont prêtes à être entendues. Du haut de ses dix-sept ans, le jeune seigneur doit apprendre à rendre la justice et à gérer le fief comme son père le fait depuis tant d’années.

Différentes za de commerçants viennent se plaindre des enfants démons. Cette bande de gamins, visiblement utilisés par des bandes de truands, multiplie les larcins dans la cité. Sato Ishiro décide aussitôt de déplacer une troupe de gardes du palais pour les affecter à la surveillance des rues.

D’autres za viennent encore se plaindre de l’état du quartier des cendres. Ce quartier éta, dévasté par un incendie il y a deux ans déjà, est toujours en ruine. Or, il est peuplé d’une multitude de miséreux et de voleurs qui posent problème aux quartiers limitrophes. Par un coup d’œil à son boulier, Minako comprend que les finances du fief ne peuvent rien changer à cela pour le moment. D’un signe de la tête, elle en informe son maître qui rejette la requête.

Enfin, vient le frère Barthélémy, un japonais converti, qui souhaite que son seigneur l’autorise à construire une église dans la ville. Bâtir un tel édifice en ville poserait des problèmes avec les différentes autorités religieuses traditionnelles de la cité et le construire en dehors dispenserait l’église des christos de payer l’impôt. Sato Ishiro est dans le doute mais Minako a une idée, elle suggère à son seigneur que le temple sot construit au cœur du quartier des cendre. A charge pour les moines et les convertis d’entretenir le quartier. L’idée séduit le jeune seigneur qui la fait immédiatement officialiser.

Pendant ce temps, dans le jardin enneigé, Saburo procède à l’entrainement martial de Sato Sadao, le jeune frère d’Ishiro. Cette tête brûlée manque beaucoup de disciple mais excelle dans le maniement du sabre. Kojiro, après avoir visité ses patients, profite de son temps libre pour méditer dans le paysage endormi. Dans sa tranquillité, il entend des enfants appeler. Ce sont les jeunes sœurs d’Ishiro et de Sadao. Huru, la plus grande, tire Yuritsuma par la manche de son kimono. Sa petite sœur, Asa, est coincée dans le grand cerisier gelé. Elle a voulu récupérer un chaton piégé dans l’arbre et s’est retrouvée à son tour dans une bien fâcheuse posture.

Face à son devoir, le yojimbo grimpe récupérer l’enfant mais refuse d’aller chercher le chaton. Kojiro, sensible et dévoué, entreprend alors de récupérer l’animal terrifié. Et c’est perché dans l’arbre que Yuritsuma aperçoit deux enfants en guenilles escalader le rempart chargés de gros sacs. L’audace de ces voleurs est donc sans limite ! Les voilà qui rapinent à l’intérieur même des murs du palais ! Pourtant, Yuritsuma ne semble pas plus ému que cela, il s’en va trouver Jotaro, le chef de la sécurité du palais, pour l’informer de la situation. Ce dernier explose de rage ! On vient juste de lui faire déplacer des gardes pour assurer la sécurité des étals en ville et voilà ce qui arrive ! Il demande un rapport au yojimbo et exige que l’affaire soit tenue secrète jusqu’à ce que des éléments concrets soient à même d’être présentés au seigneur Sato.

Kojiro, de retour dans son atelier s’effondre en larmes. On vient de dérober sa statue de Kannon, kami de la compassion, sans laquelle il ne peut espérer soigner qui que ce soit ! Dans le bosquet au milieu du jardin, Sato Ishiro, Minako et Yuritsuma font une découverte semblable. Le temple du seigneur Sato a été visité et toutes les statuettes, précieux ornements, ont été volées. Le seigneur étant très pratiquant, cette tragédie va créer sans aucun doute un véritable choc chez le vieil homme.

Pourtant, Sato Ishiro voit là l’occasion de prouver sa valeur. Il va aller récupérer lui-même les statuettes et les ramener, elles et les coupables, à son père. Compte tenu du réseau de relations de Minako et de la sagesse de Kojiro, cela ne devrait pas être trop difficile. Surtout qu’avec la protection de son garde du corps, il ne craint aucun mal.

Après avoir sévèrement réprimandé les Ashigerus, ils prennent l’un d’entre eux pour les aider à remonter la piste des voleurs. Rapidement, ils arrivent devant une faille dans le rempart de la cité qui permet de quitter la ville sans se faire voir pour ensuite traverser le bois qui mène au palais.

En enquêtant, ils apprennent que les enfants démons sont organisés par un groupe de bandit qui ce fait appeler le Crabe et que ces derniers sont en général largement tatoués. C’est donc chez un tatoueur qu’ils se rendent afin d’en savoir plus. L’artisan s’effondre en voyant son seigneur et maître arriver dans sa modeste échoppe. Très gêné, il leur apprend que le Crabe est très largement couvert par les gardiens corrompus de la cité et leur indique deux ronins désœuvrés devant un établissement minable. Minako et Kojiro repèrent d’autres ronins à l’intérieur de la cantina ainsi que des gardes dans la rue. La prudence est donc de mise… Malheureusement, le temps de cette rapide inspection, Sato Ishiro, du haut de ses dix-sept ans, apostrophe avec aplomb les deux ronins qui boivent sous le porche. Contre toute attente, les deux rustres sont impressionnés et donne le nom de Makoto. Ce riche producteur de saké est connu de tous notamment pour prêter largement au clan Sato. La diplomatie est de mise.

L’établissement de Makoto est modeste. Devant se trouve six robustes gaillards qui, bien décidés à faire du zèle, se moquent de ce petit groupe d’importuns. Avant que la situation ne dégénère, Makoto sort réprimander vivement ses hommes. Lui a reconnu son seigneur et rappelle aux fondements de l’étiquette sa clique goguenarde.

L’intérieur de la boutique est bien plus luxueux qu’on ne pourrait le deviner depuis l’extérieur. Après les politesses d’usage, Sato Ishiro présente la situation à l’usurier. Celui-ci propose un échange de bons procédés, il donne le nom d’un bouge sordide dans le quartier des cendres dans lequel se rendent ces enfants voleurs et, en échange, Sato Ishiro devra s’assurer qu’une certaine charrette franchisse la porte est de la ville sans qu’on ne lui impose ni contrôle ni taxe. Sato donne sa parole et reçoit en cadeau une bouteille de vin portugais.

Kojiro part directement en direction du bouge pour voir de quoi il retourne tandis que les autres retournent au palais pour prendre une douzaine d’ashigerus en renfort. Minako, visiblement malade, choisit de rester sur place. C’est donc à la tête d’une petite troupe de soldats que Sato et Yuritsuma prennent la direction du quartier des cendres.

Kojiro pendant ce temps, se fait passer pour un acheteur qui cherche des produits au marché noir. Dans le bouge, il trouve un certain Kintaro, qui lui propose de revenir le lendemain avec une belle somme d’argent. Ne souhaitant pas en rester là, Kojiro le file dans les ruelles sombres. Il le voit parler à un marchand ambulant et finit par découvrir son domicile.

Entre temps, Sato et Yuritsuma font encercler le bouge minable par les ashigerus et vont, en armure, menacer les propriétaires. Ces derniers, soucieux de garder leur confort de commerçants, dénoncent sans délai les gamins qui prennent la fuite sans demander leur reste.

Tout autour, les ashigerus laissent fuir les enfants ! Ils pensent en effet que leur mission est d’éviter le trouble tout en assurant la sécurité des samuraïs or les enfants que leurs maîtres recherchent leur apparaissent comme inoffensifs !

A l’intérieur, des gros bras commencent à protester alors que d’autres essaient de calmer les choses, peu enthousiastes à l’idée de froisser des samuraïs. Yuritsuma, que son honneur empêche de tuer des miséreux désarmés, commence à se dire que ces étas ont néanmoins besoin d’être remis à leur place. Il est bousculer dans la cohue et Sato Ishiro ordonne aux ashigerus de prendre la place et de restaurer le calme par la force des armes. Or, il n’y a rien de pire qu’un miséreux qui a quitté sa triste condition pour accéder à un rang supérieur. Les ashigerus n’hésitent donc pas à punir violement ceux qui étaient autrefois leurs compagnons de misère.

L’assaut et sanglant. Yuritsuma n’a plus le temps de faire dans la dentelle car son maître est en danger, il taille de tout côté et finit par se trouver nez à nez avec un des enfants voleurs. Il se met à le poursuivre entrainant avec lui quatre soldats. La course est effrénée. Le gamin connait très bien le quartier et rapidement, deux ashigarus se prennent les pieds dans une brouette pleine de fumier poussée par un garçon d’écurie tandis que les deux autres, ainsi que Yuritsuma, se perdent dans le dédale des rues.

Kojiro, de retour sur place, assiste impuissant à ce déferlement de violence. Il voit lui aussi un des enfants voleurs, resté caché pour observer la scène. Il lui demande de venir l’aider à soigner les blessés. Sato Ishiro fait une nouvelle fois preuve d’une grande autorité. Rappelant son statut à chacun, il obtient en un instant la fin des hostilités. Trois ashigerus sont morts et sans l’intervention de Kojiro, un quatrième aurait connu le même sort.

Sato interroge l’enfant qui aide Kojiro et, pris de pitié ou de naïveté, le laisse partir. Kojiro, dépité, fournit quand même à son seigneur l’adresse du receleur Kintaro afin de ne pas laisser la piste se tarir.

Dans les ruelles du quartier, Yuritsuma finit par retrouver la trace des deux ashigerus qui ont eux-mêmes retrouvés l’enfant ! La poursuite peut reprendre. Elle les mène tous les trois devant une maison de deux étages en ruine, totalement brulée. Sentant l’intérieur du bâtiment traitre, ils choisissent d’emprunter la façade extérieure. Chemin moins rapide mais plus sûr. Enfin, pas tout à fait pour l’un des deux ashigerus qui s’écrase alors qu’il avait presque atteint la fenêtre du second étage. Quand Yuritsuma arrive finalement en haut. Il tombe sur un membre du Crabe d’une impressionnante stature qui lâche sa pipe pour empoigner son tetsubo. L’homme sait le combat perdu d’avance mais son devoir est couvrir le réseau et donc la fuite de l’enfant. Le premier assaut ne sert aux deux adversaires qu’à se jauger. Le suivant est plus inégal du fait de l’arrivée du second ashigeru. Yuritsuma place une attaque rapide à hauteur de gorge qui fait mouche tandis que le soldat, voulant lui aussi attaquer, place un coup de lance… Dans les côtes de Yuritsuma ! Le samuraï furieux s’empare de l’arme du soldat, la brise en deux et commence à le rouer de coups avec les morceaux ainsi obtenus.

En bas, Sato et Kojiro sont enfin arrivés devant la maison. En voulant se rendre chez Kintaro le receleur, ils ont été attirés par la foule regroupée autour du soldat qui s’est écrasé dans la rue. Voulant voir ce qu’il se passe plus haut, Sato entreprend de monter par l’escalier brulé. Mais la structure rongée cède et il passe au travers d’une marche pour venir s’enfoncer avec fracas dans le parquet ravagé par les flammes. Yuritsuma, emporté par la colère, commet la même erreur et finit par travers le bois brulé à son tour.

Préférant quitter les lieux avant que la maison ne s’écroule, ils partent tous les trois avec les quelques soldat qui leur restent interroger Kintaro. En effet, toute cette agitation a permis au gamin de s’enfuir par les toits, le receleur est donc leur seule et dernière piste.

Sato n’a pas l’intention de perdre plus de temps. Il s’annonce en temps qu’héritier du fief, exige des réponses et n’hésite pas à se faire menaçant. Kintaro comprend rapidement qu’il est à un grain de riz de la croix et désigne une petite cabane juste en face dans laquelle se cachent les enfants démons. Choisissant de ne plus prendre de pincettes, le jeune seigneur défonce la porte, tue l’homme qui était en train de nourrir les gamins et en attrape un.

Dans la rue c’est le rassemblement et le désordre. Mais quand Sato sort de la cabane avec l’enfant, le calme se fait et la centaine de miséreux présents s’agenouillent face contre terre dans un silence absolu. L’enfant dénonce Kintaro comme le commanditaire sans demander son reste.

C’est alors qu’arrive Shigeru, riche marchand et représentant de la puissante za des producteurs de salaisons et de produits confits. Il est également le père de Nene, un des servantes du palais, attachée au service du seigneur pour rendre hommage à la za et à son père. L’homme demande que l’enfant soit condamné et qu’un exemple soit fait. Fin connaisseur des rouages de la politique, Sato demande à son yojimbo de mettre immédiatement l’enfant à mort. Trouvant l’acte indigne, Yuritsuma refuse, ce qui provoque une terrible consternation dans le cœur de toutes les personnes présentes. Sato, contenant sa rage, répète son ordre et le samuraï se décide enfin à décapiter le gamin. Satisfait, Shigeru quitte la place en louant l’efficacité de son jeune seigneur.

Fou de rage de s’être fait berné une fois de plus, Sato entraine sa troupe chez Kintaro. Bien sûr, l’immonde voleur a quitté précipitamment la place, profitant de la belle diversion qu’il a lui-même créée pour prendre la clé des champs. Sato ordonne la mise à sac de sa maison afin de trouver les statuettes. En vain.

Le soir est déjà tombé et il est temps pour l’héritier d’honorer la promesse qu’il a faite à Makoto, le producteur de saké, dont les ressources financières sont indispensables au clan. Il se rend donc à la porte est pour s’assurer que cette maudite charrette franchisse le poste de contrôle sans encombre. Pendant tout le trajet, Yuritsuma fait le reproche à son jeune maître de son manque de discernement et de sagesse et promet de palier ses lacunes par un solide entraînement au boken dont il se souviendra longtemps. Appréciant fort peu menaces, humiliations publiques et remontrances, le jeune seigneur rumine sa colère, remettant à plus tard le moment où il se vengera de l’insolence du yojimbo.

Faire plier les gardes du poste de contrôle n’est qu’une formalité. Sato Ishiro obtient donc que la charrette franchisse les portes malgré le couvre-feu, les taxes et le contrôle. Pourtant il s’en mord rapidement les doigts. Alors qu’il regarde s’éloigner la carriole, il voit, à la faveur d’un coup de vent, que celle-ci contient les statuettes après lesquelles il court depuis ce matin…

De retour au château, il va voir son père pour se plaindre du comportement de son garde du corps. Sato Asao l’écoute attentivement en lâchant quelques sourires à différents moments du récit. Quand son fils a terminé son histoire, Asao lui rappelle que ses compagnons sont là pour parfaire son éducation et que leurs conseils sont précieux. Aussi doit-il veiller à les voir non seulement comme des serviteurs mais aussi comme des professeurs. Asao renvoie son fils en promettant qu’il parlera à Yuritsuma san dès que possible.

Quelques temps plus tard, c’est donc au yojimbo d’avoir un entretien avec le seigneur du clan Sato. Les deux hommes se connaissent de longue date aussi la discussion se fait-elle dans la simplicité. D’abord Asao le félicite de son travail de protecteur et de son discernement dans les différentes affaires qui occupent le clan. Il le remercie également d’être un si bon professeur pour son fils. Mais il lui rappelle aussi qu’il lui doit obéissance et que le contredire ou le désavouer en public est une faute très grave. De même, alors que le samuraï allait prendre la direction de la sortie, il lui rappelle que l’entrainement martial d’Ishiro et de la responsabilité de Saburo et qu’il n’y aura par conséquent pas de leçon au boken.

Saburo, observant la beauté de la nuit, sourit comme un enfant en sentant autour de lui l’incroyable effervescence que cette journée a provoquée à la surface lisse de l’ennui hivernal…